Le récit d’enquête. Usages et fonctions en sciences sociales du sport

Appel à communications

Journée d’études, jeudi 27 mai 2021, Salle des colloques, Maison de la recherche, Université d’Artois, Arras.

Centrale pour les anthropologues, la question des rapports qu’entretient le.la chercheur.e avec son terrain et ses enquêtés a pénétré depuis, l’ensemble des sciences humaines et sociales. Comme le rappelait Pierre Bourdieu[[Bourdieu, P. (1993). La Misère du monde. Paris : Seuil.]], ces dynamiques interpersonnelles ont la dimension d’« une relation sociale qui exerce des effets (…) sur les résultats obtenus », invitant ainsi les chercheurs à se soumettre à l’exercice de réflexivité. En effet, qu’il.elle fasse une étude immersive et prolongée du « lointain » ou qu’il.elle rencontre plus ponctuellement et « chez soi[[Bensa, A. (2006). La fin de l’exotisme. Essais d’anthropologie critique. Toulouse : Anacharsis.]] » l’altérité, le.la chercheur.e ne peut guère faire l’économie des questions d’ordres méthodologique, épistémologique, éthique et politique relatives à sa démarche de recherche[[Voir par exemple : Beldame, Y. etPerera, E. (2020). In Situ : repousser les frontières de l’enquête de terrain. Paris : L’Harmattan et Perera, E. et Beldame, Y. (2016). In Situ : interactions, situations et récits d’enquête. Paris : L’Harmattan.]]. Cela revient d’abord à interroger les intentions qui gouvernent le « choix » de son objet. Ce dernier relève bien souvent d’un choix « opportuniste[[A l’instar de Loïc Waquant qui se « retrouve » à ethnographier le club de boxe de Woodlawn, voir Waquant, L (2001). Corps et âme. Carnet ethnographique d’un apprenti boxeur. Marseille : Agone.]] », quand d’autres sont persuadés, au début de leurs enquêtes, qu’une grande familiarité avec le terrain investigué constitue un « capital d’autochtonie[[Retière, J.-N. (2003). Autour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire, Politix, 16/63, 121-143.]] » favorable à la suite de leurs recherches[[Réciproquement, certains chercheurs ont montré que les enquêtés pouvaient parfois considérer l’autochtonie de l’enquêteur comme le prédisposant à mieux appréhender et restituer les données collectées sur le terrain.]]. Sans céder aux sirènes de « l’illusion biographique[[Bourdieu, P. (1986). L’illusion biographique, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 62/63, 69-72.]] », certain.e.s sont parvenus à analyser de façon heuristique leur rapport plus ou moins intime à l’objet. Cela revient aussi à objectiver les conditions techniques et sociales dans lesquelles s’est déroulée son enquête et les conséquences que ces dernières ont pu avoir sur les savoirs produits. Négocier son terrain, son ou ses rôles, ses places et statuts. Se justifier, mettre en scène sa présentation et son histoire, la répéter à la demande. Impacter la relation d’enquête par ce que l’on est, ce que l’on montre, ce que l’on représente, ou encore ce que les autres croient qu’on est. Faire évoluer la frontière plus ou moins poreuse, plus ou moins visible, entre les enquêtés et l’enquêteur.rice, entre engagement et distanciation[[Elias, N. (1983). Engagement et distanciation. Paris : Fayard.]]. Justifier son intérêt pour l’objet ou le terrain enquêtés quand d’autres chercheurs se bousculent et entrent parfois en concurrence sur des terrains surinvestis ou des objets convoités. Partager des expériences marquantes, à risque ou encore relevant de l’intime avec les enquêtés. Restituer les analyses aux enquêtés au risque de l’ignorance, de l’incompréhension ou de l’instrumentation. Commettre des maladresses, éprouver des émotions ou encore l’inconfort de la posture ethnographique. Autant d’expériences d’enquête qui peuvent nous affecter[[Favret-Saada, J. (1977). Les mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le bocage. Paris : Gallimard.]], nous prendre dans diverses formes de relations intersubjectives pouvant porter à conséquences et qui participent donc, d’un travail réflexif essentiel au déroulement d’une recherche.
Pourtant, à la lecture de thèses, d’ouvrages ou encore d’articles, nous avons souvent l’impression « de l’inexistence d’un discours du désordre/sur le désordre dans le propos tenu finalement, a posteriori[[Brisson, C. (2016). Observer sur les plages de Rio de Janeiro : à la recherche du corps perdu, Espaces et sociétés, 164-165, 111-125.]] ». Tout est présenté comme s’il n’y avait aucune difficulté, aucun « bricolage », aucun doute, aucune erreur. Et la lecture d’« éléments de méthodologie » lisses et sereins nous renvoie à un sentiment d’illégitimité scientifique quant au regard que nous portons sur nos propres difficultés. On est alors tenté de « faire avec », de les dissimuler et/ou de les oublier, « le simple fait d’aboutir à un rapport d’étude constitu[ant] la preuve que l’idéal de la connaissance a triomphé des contingences ordinaires[[Bizeul, D. (1999). Faire avec les déconvenues. Une enquête en milieu nomade, Sociétés contemporaines, 33/1, 111-137.]] ».
Or, l’étude des méthodes est une des conditions de validation scientifique des résultats de la recherche. Et à l’heure où la scientificité des sciences sociales est remise en cause, plus encore dans la section pluri-disciplinaire que constituent les Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives, on peut penser avec Hélène Chamboredon, Fabienne Pavis, Muriel Surdez et Laurent Willemez que « le « discours de la méthode » n’est pas un luxe ou une facilité, mais au contraire une nécessité[[Chamboredon, H., Pavis, F., Surdez, M. et Willemez, L. (1994). S’imposer aux imposants. A propos de quelques obstacles rencontrés par des sociologues débutants dans la pratique et l’usage de l’entretien, Genèses, 16, 114-132.]] ».
À partir de la narration problématisée, référencée et détaillée d’expériences de terrain hétérogènes et situées, nous invitons donc les chercheurs en sciences sociales du sport (anthropologie, sociologie, ethnologie, histoire, géographie, science politique, etc.) à adopter cette « manière réflexive et critique de répondre de [leurs] recherches[[Fassin, D. et Bensa, A. (2008) (Dir.). Les politiques de l’enquête. Epreuves ethnographiques. Paris : La Découverte.]] ». L’exercice est complexe. En faire le compte-rendu l’est plus encore, du fait de l’exigence du détail conjuguée au devoir de synthèse. Cela suppose par ailleurs des matériaux de première main, issus d’un travail de terrain avancé ou terminé car c’est un fait, « à trop vouloir se regarder nager, l’on risque d’oublier de nager[[Caratini, S. (2017). Réflexion comparative sur quelques postures anthropologiques vécues de l’ailleurs et du proche, Emulations, 22,127-134.]] ». Ce conseil donné par Sophie Caratini aux plus jeunes générations de chercheurs, n’exhorte pas à une absence de réflexivité, pas plus qu’il ne nie l’utilité de l’exercice, il invite plutôt à trouver la « juste » mesure. Il nous encourage également à accueillir des interventions jugeant surfaits les usages et fonctions des récits d’enquête (selon la discipline, les méthodologies, les objets, les terrains, etc.).

MODALITÉS D’INSCRIPTION
Les inscriptions à la Journée d’études sont gratuites mais obligatoires (Cf. Fiches d’inscription), car les pauses, les repas du mercredi soir et du jeudi midi sont offerts par l’Atelier SHERPAS (URePSSS, ULR 7369).
Les frais de déplacement jusqu’Arras sont à la charge des communicants et auditeurs. Des navettes gratuites seront mises en place pour assurer les déplacements entre les différents lieux de la manifestation.
Les frais d’hébergement sont à la charge des communicants et auditeurs. Une liste d’hôtels est disponible sur sherpas.univ-artois.fr

COMITE SCIENTIFIQUE
Noémie BELTRAMO (Artois) ; Daniel BIZEUL (Angers) ; Jean BREHON (Artois) ; Muriel DARMON (Paris) ; Oumaya HIDRI NEYS (Artois) ; Hugo JUSKOWIAK (Artois) ; Anne MONJARET (Paris) ; Joëlle MORRISSETTE (Montréal) ; Williams NUYTENS (Artois) ; Jean-Paul PAYET (Genève) ; Éric PERERA (Montpellier) ; Sarah POCHON (Artois) ; Gilles RAVENEAU (Paris Nanterre) ; Bastien SOULE (Lyon 1)

COMITE LOCAL D’ORGANISATION
Responsable de l’organisation de la manifestation : Oumaya HIDRI NEYS
Membres du comité local d’organisation : Thibault DELFAVERO, Julie DUFLOS, Grégoire DUVANT, Marine FONTAINE, Audrey GOZILLON, Charlotte LECERF, Caroline LEROY, Cindy LOUCHET, Gianni MARASA, Matthieu TERNOY, Thomas WALGRAEF

CALENDRIER
31 JANVIER 2021 : Date limite de réception des propositions de communication à la Journée d’études et des demandes de participation à l’Atelier de formation doctorale
20 FEVRIER 2021 : Réponse définitive du Comité scientifique

VALORISATION SCIENTIFIQUE
Au lendemain de la manifestation, les communicant.e.s à la Journée d’Études et participant.e.s à l’Atelier de formation doctorale seront invités à soumettre leurs textes pour publication. Selon le nombre de textes soumis, la publication d’un numéro thématique d’une revue du champ et/ou d’un ouvrage aux Artois Presses Université, dans la collection Cultures Sportives, est prévue.


APPEL A PARTICIPATION – ATELIER DE FORMATION DOCTORALE

Le récit d’enquête. Usages et fonctions en sciences sociales du sport
Mercredi 26 mai 2021, 13h30-18h30, Salle des colloques, Maison de la recherche, Université d’Artois, Arras.

L’OBJECTIF DE L’ATELIER
Que faire des expériences d’enquêtes griffonnées dans un journal de terrain ou précédant la retranscription d’un entretien ? Quel statut leur donner ? Comment les soumettre à l’exercice de la réflexivité ? Quels axes de réflexion engager au regard de son travail doctoral ? Comment en rendre compte à l’écrit et/ou à l’oral ? Quelles place et valeurs leur attribuer dans l’économie générale d’une thèse, d’un article ou d’un ouvrage ? Autant de questionnements que nous vous proposons d’explorer ensemble au travers de groupes de travail thématisé, de réalisation de posters et de lectures orales. L’écriture d’un récit d’enquête constitue en effet « un précieux antidote au découragement. Il aide à rompre « l’ignorance plurielle » (selon l’expression de Merton) dans laquelle se trouvent les chercheurs, prêts, chacun de leur côté, à se croire seuls à affronter de telles difficultés[[Bizeul, D. (1998). Le récit des conditions d’enquête : exploiter l’information en connaissance de cause, Revue française de sociologie, 39/4, 751-787.]] ».
C’est pourquoi, dans le cadre de la journée d’études « Le récit d’enquête : usages et fonctions en sciences sociales du sport », un atelier de formation doctorale d’une demi-journée sera animé par Oumaya Hidri Neys et Eric Perera, en présence de Daniel Bizeul. L’objectif de ce séminaire est d’offrir aux doctorant.e.s ou jeunes docteur.e.s en sciences sociales du sport (anthropologie, sociologie, ethnologie, histoire, géographie, science politique, etc.), un lieu de formation, d’échanges et de partage d’expériences sur leur « hors cadre de l’enquête[[Benveniste, A. (2013). (Dir.). Se faire violence. Analyses des coulisses de la recherche. Paris : Téraèdre.]] ». Il est donc ouvert aux volontaires susceptibles de mobiliser quelques matériaux de première main issus d’un travail de terrain débuté, avancé ou récemment terminé. Placé la veille de la journée d’études, il permettra à ses participant.e.s d’avoir une oreille plus attentive, plus « formée », aux récits d’enquête des chercheurs « aguerris » qui ponctueront la journée du lendemain.

LES ANIMATEURS DE L’ATELIER
Oumaya HIDRI NEYS, Professeure, Université d’Artois, Atelier SHERPAS (URePSSS, ULR 7369)
Éric PERERA, Maître de conférences HDR, UFR STAPS, Université de Montpellier, SantESiH (EA 4614)
Daniel BIZEUL, Professeur, CRESPPA/CSU Centre de REcherches Sociologiques et Politiques de Paris/Cultures et Sociétés Urbaines (UMR 7217)

L’ÉQUIPE D’ACCUEIL
L’Atelier SHERPAS, équipe 3 de l’URePSSS (ULR 7369), est un laboratoire pluridisciplinaire composé d’une trentaine de membres (une quinzaine d’enseignants-chercheurs pour autant de doctorants à la rentrée 2020-2021). Dès ses débuts, l’Atelier a organisé des séminaires « techniques et/ou méthodologiques » permettant à des conférenciers de présenter, à l’ensemble des membres, les manières dont ils produisent un savoir scientifique. Les nombreux échanges menés à ces occasions ont encouragé certains chercheurs de l’équipe à développer de façon autonome ces questionnements dans des productions scientifiques et à installer ces réflexions dans la formation des doctorant.e.s.
Depuis septembre 2018, un nouveau programme scientifique organise les activités des chercheurs en sociologie, histoire, psychologie et physiologie : il s’agit d’examiner les places qu’occupent des APS et l’EPS dans la fabrique et/ou la dé-construction du lien social. Les travaux s’appuient en priorité sur des terrains faits de populations et de figures vulnérables (socialement, physiquement, économiquement, psychologiquement). Cette priorité s’accompagne de contributions méthodologiques et épistémologiques relatives à la réflexivité du chercheur, à l’usage des approches scientifiques pluridisciplinaires, à la consistance des matériaux, à l’incertitude des mesures. Cet atelier de formation doctorale, suivi de la journée d’études, s’inscrivent justement dans l’Axe 2 du programme scientifique du laboratoire intitulé « Réflexivités et circulation des savoirs ». Plus précisément, ils répondent à l’objectif du Chantier 2 de cet axe, à savoir « Vider la boîte noire du chercheur et de sa recherche ».
Cet atelier et journée d’études sont enfin l’aboutissement d’un séminaire doctoral mis au programme de l’Ecole doctorale Sciences Economiques, Sociales, de l’Aménagement et du Management (SESAM, ED 73). Animé par Oumaya Hidri Neys, il s’est tenu de septembre 2016 à juin 2019 à l’occasion de quatorze demi-journées de formation. Intitulé « S’essayer aux récits d’enquête », il a permis à une quinzaine de doctorant.e.s et jeunes chercheurs, de découvrir et discuter vingt-six articles scientifiques choisis et de débuter l’écriture de leur premier « hors cadre de l’enquête ».

MODALITÉS D’INSCRIPTION
Les inscriptions à l’Atelier de formation doctorale sont gratuites mais obligatoires (Cf. Fiches d’inscription), car les pauses, les repas du mercredi soir et du jeudi midi sont offerts par l’Atelier SHERPAS (URePSSS, ULR 7369).
Les frais de déplacement jusqu’Arras sont à la charge des communicants et auditeurs. Des navettes gratuites seront mises en place pour assurer les déplacements entre les différents lieux de la manifestation.
Les frais d’hébergement sont à la charge des communicants et auditeurs. Une liste d’hôtels est disponible sur sherpas.univ-artois.fr

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