Rennes, 16 et 17 novembre 2023
PRÉALABLES
L’UFRSTAPS de l’Université Rennes 2 a créé en 2016 le master Développement, Intégration, Sport et Culture (DISC) portant sur les secteurs utilisant le sport à des fins d’accompagnement social et éducatif des publics en situation de vulnérabilité. Une partie de ces usages s’inscrit dans des enjeux internationaux auxquels les travaux de recherche français en sciences du sport s’intéressent peu jusqu’ici.
À la suite des échanges entre les responsables du master DISC et les chercheurs impliqués dans le projet FSGT-Palestine, la perspective d’une rencontre qui permettrait de fédérer les acteurs scientifiques, institutionnels et associatifs s’est imposée. En effet, si les travaux anglo-saxons sont légions, les recherches françaises ne font qu’émerger alors que le secteur s’est rapidement et considérablement développé. Cette dynamique nécessite que se structure un champ de recherche au sein des sciences sociales du sport et que des relations constructives s’établissent avec les acteurs socio-économiques qui animent le secteur afférent.
APPEL À COMMUNICATIONS
L’usage du sport à des fins de solidarité internationale ou, dans sa version anglo- saxonne, de sport for development (SFD), connait une expansion considérable depuis plusieurs années. Richards et al. (2013) définissent le périmètre du SFD comme « l’utilisation intentionnelle du sport, des activités physiques et du jeu, afin de réaliser des objectifs de développement particuliers, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire comme pour les communautés défavorisées des pays à revenu élevé »1.
Loin d’être nouvelle, son origine se situe à la fin du XIXe siècle lorsque les thuriféraires du sport considèrent qu’il doit contribuer à une transformation sociale de grande envergure. Depuis, du CIO à l’ONU, la plupart des institutions internationales ont considéré que l’utilisation du sport à des fins de prise en charge d’une diversité de publics offre des opportunités à promouvoir. Il en va de même des acteurs nationaux qui utilisent indistinctement les termes d’intégration, d’insertion ou d’inclusion sociale par le sport pour encourager le développement de programmes visant à améliorer les conditions d’existence de certaines catégories sociales.
Les années 1990 ont vu alors apparaitre des structures, des associations ou des ONG susceptibles d’intervenir auprès d’une diversité de populations ayant comme caractéristique
commune d’être en situation de vulnérabilité. Celle-ci pouvant être liée à un statut (réfugiés, etc.), à une situation (zones de conflits, etc.) comme à une position sociale (jeunes résidents en quartier politique de la ville, séniors de zones rurales, etc.), elle conduit à développer des dispositifs particuliers utilisant le sport à des fins de prise en charge et d’amélioration des conditions d’existence. Ce positionnement amène inévitablement à prêter une attention aux questions d’éducation, de lien social, d’insertion sociale et professionnelle, de capacitation, ou d’émancipation.
Plusieurs programmes se sont ainsi déployés dont ce colloque aura vocation à interroger les contenus, les effets autant que les enjeux auxquels ils sont associés. Des difficultés de traduction des discours dans les pratiques (Attali, Le Yondre, Sempé, Chiron, 2021) aux risques d’instrumentalisation (Kay, 2009), les écueils sont nombreux et méritent d’être soumis à l’analyse scientifique. De la même manière, il s’agit d’interroger les méthodes d’une analyse des effets susceptibles d’éclairer la pratique des acteurs engagés. Enfin, le colloque constituera une occasion pour porter l’attention sur les jeux d’échelle. Des enjeux internationaux au développement local, la solidarité par le sport renvoie à plusieurs dimensions qu’il apparait nécessaire de traiter conjointement par l’intermédiaire de la tenue de ce colloque.
La communauté scientifique francophone s’en est saisie récemment (Joly, Le Yondre, 2021). Elle se confronte à des enjeux épistémologiques considérables lorsqu’elle entend participer à un espace scientifique principalement anglophone et structuré autour d’approches et de catégories conceptuelles sans véritable équivalent en français. L’histoire des travaux francophones portant sur les usages du sport à vocation sociale (Charrier et al., 2012) montre un attachement à une série de précautions notionnelles qu’il importe d’interroger au moment d’aborder les mêmes objets dans un cadre plus international. En ce sens, ce colloque constituera une première ayant pour vocation dans un même mouvement d’établir un état des lieux des travaux de recherche engagés comme des perspectives envisageables et de saisir les enjeux qui traversent le SFD. Il sera aussi l’occasion de faire intervenir les acteurs de ce secteur afin de poser les bases d’un dialogue constructif et soucieux de préserver les enjeux scientifiques tout en les associant aux à l’évolution des pratiques d’intervention sur le terrain. Réunissant des chercheurs menant des travaux relevant de la sociologie, de l’histoire, des sciences de l’intervention et/ou des sciences politiques, des responsables ainsi que des intervenants liés à des associations, des ONG ou des institutions impliquées dans des programmes seront parties prenantes de ce colloque.
Les communications pourront porter sur l’un des aspects suivants analysés dans une diversité de contextes. Il est envisageable de proposer d’autres volets que le comité scientifique étudiera avec attention.
▪ Les institutions du sport et de la solidarité internationale. La montée en puissance des usages du sport dans une perspective de solidarité et d’aide au développement a densifié le champ des acteurs concernés. Il importe de comprendre les manières dont cet espace s’est organisé et dont il a évolué. Quelles sont les stratégies des institutions concernées ? Quelles relations s’établissent entre les acteurs traditionnellement qualifiés de bailleurs et ceux qu’on nomme désormais les opérateurs (associations, ONG) ? La reconfiguration mêle également des acteurs privés et publics dont les logiques d’action sont susceptibles d’entrer en tension. Entre contradiction insoluble, compromis et complémentarités, il s’agira donc de mettre à jour les multiples articulations auxquelles donnent lieu les programmes mis en oeuvre. Par ailleurs, les institutions internationales – sportives ou non – engagent des initiatives et s’expriment à propos de ces usages du sport sans que des prérogatives explicites soient véritablement mentionnées. Cette incertitude institutionnelle semble paradoxalement favoriser l’expression
des multiples croyances relatives aux effets du sport autant qu’une absence de politique concertée et effective.
▪ Solidarité internationale et enjeux géopolitiques. L’intérêt porté à l’amélioration des conditions de vie comme à l’apaisement de climats de tension n’est pas dénué d’enjeux politiques. Ils peuvent être amplifiés par leur portée internationale qui conduit à les inscrire dans des perspectives qui dépassent le seul développement de pratiques sportives. Caractérisé par un entrelacs institutionnel, la solidarité par le sport est soumise à des enjeux pluriels. Les États continuent ainsi d’appréhender le sport comme un outil de softpower auquel les enjeux de solidarité et de développement sont souvent associés.
▪ Des discours aux pratiques : quelles traductions des intentions dans les programmes ? L’un des traits les plus remarquables de ce secteur tient dans l’écart considérable qui existe, d’une part, entre la vision d’un sport comme langage universel dépassant les clivages culturels, linguistiques ou politiques et d’autre part, l’infini variété des usages du sport comme outil d’intervention sur le terrain. La représentation du sport donne lieu à une pluralité de traductions que les acteurs engagés opèrent au prisme de leurs propres sensibilités culturelles, politiques, associatives mais aussi à partir d’intérêts plus pragmatiques tels que par exemple la recherche de soutiens financiers. Il serait donc utile de mettre en évidence des pratiques s’inscrivant dans le champ de la solidarité par le sport.
▪ Usages du sport : quelles approches pour quels objectifs ? Les usages du sport apparaissent variés dans le temps comme dans l’espace. S’ils sont souvent dépendants des fonctions attribuées au sport, le colloque visera à faire émerger leur fondement comme leur nature. Si la communauté des chercheurs francophones en sciences sociales du sport peut être parfois rétive à l’idée de formuler des préconisations pratiques, elle doit pouvoir produire des contenus analytiques abordables par les acteurs voire transposables à leur domaine de pratique. Cela permettrait sans doute de nourrir la réflexion professionnelle des acteurs concevant et mettant en oeuvre les programmes. Ce dialogue peut certainement s’établir autour d’un triptyque liant les spécificités des publics abordés, les objectifs qu’on leur propose et les contions de la pratique sportive.
▪ Appréhender les effets : évaluer ou analyser ? Le thème précédent conduit à questionner les enjeux d’évaluation. Les attentes sociales en la matière sont évidentes mais se heurtent parfois à une tension opposant une logique de validation, voire de cautionnement par la science, et une logique scientifique soucieuse de produire un savoir théorique indépendant des enjeux stratégiques qui animent les acteurs institutionnels et associatifs. Ce hiatus se concrétise dans l’opposition devenue classique entre les pratiques d’évaluation et les démarches d’analyse. Si les premières visent à indiquer la relative réalisation des objectifs d’un programme, les secondes entendent rendre compte des processus qui expliquent l’avènement de ces résultats. Il s’agirait donc d’examiner comment ces logiques peuvent s’articuler afin que les bailleurs de fonds comme les opérateurs des programmes entendent l’intérêt d’une démarche analytique tout en leur permettant de se l’approprier de manière constructive.
▪ Contextes locaux et enjeux culturels autour des dispositifs. La littérature anglo- saxonne sur le sport for development comprend un volet critique qui, malgré des différences significatives, présente des points communs avec celui qu’a développé la sociologie française : les usages instrumentaux du sport à des fins de communication politique ou commerciale, la persistance de croyances relatives au sport qualifiées d’évangéliques, les décalages d’approches entre les commanditaires, les bailleurs et les participants. En revanche, ce volet critique comprend également une dimension culturelle puisque de nombreux auteurs ont analysé la charge ethnocentrée voire néocolonialiste de certains programmes. Si le degré de radicalité de la critique varie, la question des rapports interculturels entre les ONG et bailleurs occidentaux et les structures et populations locales reste incontournable. La question se pose d’ailleurs tout autant pour les chercheurs investiguant des terrains étrangers et portant des questionnements inévitablement traversés par des présupposés culturels.
1 Richard, J. & al. (2013). Advancing the evidence base of sport for development: A new open-access, peer reviewed journal. In Journal of sport for development, vol. 1, issue 1.
CALENDRIER
– 30/04/2023 : date limite d’envoi des propositions de communication
– 15/05/2023 : envoi des avis d’acceptation après expertise des propositions
– 16 et 17 novembre : colloque
– 30/11/2023 : envoi des textes pour ouvrage (Les communications du colloque auront pour vocation de donner lieu à la rédaction d’articles en vue de la publication d’un ouvrage en 2024).
Les propositions de communications, d’une longueur maximale de 400 mots, seront à déposer sur le site du colloque : https://sportsolidev.sciencesconf.org/
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Attali Michaël, Université Rennes 2 Bourbillères Hugo, Université Rennes 2 Carter Thomas, University of Brighton Charrier Dominique, Université Paris Saclay
Chiron Eléa, Université Rennes 2
Gaillard Arthur, University of Brighton Gasparini William Université de Strasbourg Gastaut Yvan, Université de Nice
Garcia-Arjona Noémi Université Rennes 2
Jourdan Jean Université, Paris Sud
Le Yondre François Université Rennes 2 Milburn Philippe, Université Rennes 2 Parmantier Charlotte Université Paris Descartes Penin Nicolas, Université d’Artois
Philippe, Tanguy, Université de Nantes Saint-Martin Jean, Université de Strasbourg Sempé Gaëlle, Université Rennes 2 Verschuuren Pim, Université Rennes 2
COMITÉ D’ORGANISATION
Coordonnateurs : Michaël Attali et François Le Yondre
Coliaux Ambre, Husson Jean, Lacoste Antoine, Latrache Amina, Nicolas Alois, Peysson Elise, Ramon Lise (étudiants en Master 1 DISC).