Les préfets et les sports (XIXe-XXIe siècles)

Appel à communication

« Les préfets et les sports (XIXe-XXIe siècles) »

Journées d’étude co-organisées par le Comité pour l’histoire préfectorale et le Comité d’histoire des ministères chargés de la Jeunesse et des Sports

7 et 8 novembre 2019 À Lyon
(Hôtel de la préfecture du Rhône et Archives départementales du Rhône)

Organisateurs : le Comité pour l’histoire préfectorale et le Comité d’histoire des ministères chargés de la Jeunesse et des Sports

Majoritairement composé d’universitaires, le Comité pour l’histoire préfectorale, rattaché au ministère de l’Intérieur, a pour mission de mettre en œuvre et de financer des manifestations de tous ordres visant à favoriser les travaux de recherche sur le rôle des préfets et des préfectures depuis la création de cette fonction par le Consulat, au tout début du XIXe siècle.
C’est ainsi qu’en 2016 il a organisé trois rencontres scientifiques sur le thème « Préfets et préfectures durant la Seconde Guerre mondiale » et, à l’automne 2017, un colloque, coorganisé avec le Centre de sociologie des organisations (UMR 7116 CNRS/Institut d’études politiques de Paris), consacré au rôle des préfets dans ce qu’il est convenu d’appeler les politiques de modernisation conduites par la Quatrième République puis par la Cinquième République gaullienne. Le Comité pour l’histoire préfectorale vient récemment d’être réorganisé (arrêtés du 24 octobre 2018)
Le Comité d’histoire des ministères chargés de la Jeunesse et des Sports est constitué de trois collèges : des membres de droit, issus des administrations des ministères de la Jeunesse, des Sports et des Affaires sociales ; des personnalités qualifiées, fonctionnaires en activité ou à la retraite choisis pour leurs compétences et leurs expertises dans le domaine de l’histoire des politiques de la jeunesse, des sports ou de l’éducation populaire ; des universitaires, constituant un comité scientifique (voir arrêtés des 3 novembre et 13 décembre 2017). Il a publié en 2016 La gestion du risque dans le sport. Regards croisés 1962-2012[[Pierre François, Laurence Munoz (dir.), La gestion du risque dans le sport. Regards croisés 1962-2002, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2016.]] et plus récemment le rapport La politique du sport et de l’éducation physique en France pendant l’occupation[[Jean-Pierre Azéma (dir.), La politique du sport et de l’éducation physique en France pendant l’occupation, Paris, INSEP-Éditions, 2018.]] (INSEP éditions, 2018) qui a donné lieu, notamment, à une présentation en novembre 2018 à Sciences-Po Paris, dans le cadre du séminaire « Sport, culture et sociétés ».
Les deux comités partagent donc les mêmes ambitions, mieux connaître le fonctionnement de l’État, et les mêmes méthodes, en particulier le souci de faire dialoguer des témoins et des universitaires. Ils ont donc choisi de travailler ensemble pour étudier ce thème encore peu abordé par l’historiographie, les préfets et les sports.

Présentation

À première vue, les préfets et les sports peuvent apparaître comme deux mondes qui s’ignorent. Peu de préfets s’enorgueillissent de leurs passés sportifs, peu semblent avoir joué un rôle dans les cabinets des différents « ministères » des Sports[[À l’exception notable d’Olivier Philip, aux côtés de Maurice Herzog, secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports entre 1958 et 1966.]]. Même si les relations que les préfets entretiennent avec le fait sportif restent à ce jour une terra incognita que ces journées d’études invitent à défricher, trois temps peuvent cependant être identifiés dans l’historiographie du sport et de l’État pour repérer leur action :
– sous la IIIe République naissante, y compris avant la loi de 1901, les préfets s’intéressent certes au développement des associations sportives mais exercent aussi un contrôle politique afin de garantir leur orthodoxie républicaine face aux offensives cléricales et monarchistes[[Les séries 4 M des Archives départementales constituent en la matière une précieuse source et ressource. Voir Pierre Arnaud, Les athlètes de la République, Toulouse, Privat, 1987 ; ou les travaux de Benoît Caritey, « Les sociétés agréées (1908-1940). Prémices d’une politique sportive, Stadion, n° 27, 2001.]] ;
– sous le régime de Vichy[[Marc-Olivier Baruch, Servir l’Etat français, Paris, Fayard, 1997.]], les préfets peuvent s’appréhender comme des relais, dans les départements, de la politique de mise au pas du monde sportif orchestrée par le Commissariat général à l’Éducation générale et aux sports[[Nicolas Kssis, « La politique sportive de Vichy vue à travers les rapports des préfets », in La politique du sport et de l’éducation physique pendant l’Occupation, p. 167-178.]], mais également comme des « facilitateurs » ou des « arbitres » dans la « mêlée » des administrations nouvelles[[Marianne Lassus, Jeunesse et sports : l’invention d’un ministère (1928-1948), INSEP, 2017.]] ;
– enfin, avec le haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports de Maurice Herzog et l’expérience de la déconcentration à partir de 1964, le préfet devient le supérieur hiérarchique de l’administration de la jeunesse et des sports, désormais service extérieur et non plus service académique de la jeunesse et des sports sous la tutelle du recteur. Il joue un rôle de levier des politiques ministérielles pour le développement de la pratique sportive ainsi que pour la mise en place d’une politique ambitieuse d’équipements permettant également un « désenclavement de l’administration déconcentrée vis-à-vis de l’Éducation nationale[[Olivier le Noé, « Innover et mobiliser autour de la déconcentration », in Denise Barriolade, Laurent Besse et Arnaud Loustalot (dir.), Maurice Herzog, Un septennat pour une politique jeunesse et sports, La Documentation française, 2010, p. 151-163.]] ».
Ces journées d’études ont pour objectif de reprendre ces premières réflexions afin d’approfondir la connaissance du rôle de l’État dans le développement, l’organisation, et le contrôle des diverses activités physiques et des sports en France, et ce depuis la création de l’institution préfectorale en 1800. Cette trame chronologique, volontairement élargie, entend permettre d’aborder la question des sports dans leur acception la plus large : aussi bien comme pratiques de loisir et de compétition que comme spectacle ; des cultures corporelles héritées de l’Ancien Régime (équitation, escrime, baignade et nage, jeux populaires, etc.) jusqu’aux sports de glisse ou de combat les plus nouveaux (mixed martial arts) en passant par les différentes gymnastiques.
Si l’espace national et ses territoires ultramarins représentent un cadre spatial d’étude attendu, une approche comparative mobilisant des exemples étrangers sera appréciée en vue d’interroger la spécificité et la transmission du « modèle français ». Les approches monographiques départementales sont également souhaitables pour identifier des particularismes ou des invariants.

Axes des journées d’études

C’est avec la volonté de rendre compte de la diversité des relations qui se tissent entre les préfets et les sports que nous avons retenu quatre axes de communication – étant entendu que ces axes ne sont pas mutuellement exclusifs et que les propositions de communication peuvent s’inscrire dans les différentes thématiques.

1/ Les préfets et le contrôle des pratiques sportives
Comment s’est exercée l’action de contrôle du préfet sur les différentes formes d’activités sportives ? Comment sa mission d’assurer la sécurité de l’espace public s’inscrit dans des temporalités différentes, ainsi que l’attestent, par exemple, la disparition au début du XIXe siècle de la soule dont l’interdiction avait été initiée par les intendants du roi, le contrôle des sociétés de gymnastique, de tir et de préparation militaire à la fin de ce siècle et, dans les années 2000, la surveillance du hooliganisme ? Le contrôle des associations sportives, antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 1901 puis au début du XXe siècle, dans un objectif de républicanisation de la société française, celui exercé par le régime de Vichy pour lutter contre les clubs soupçonnés d’opposition au régime et de résistance, celui mis en place aussi pendant la guerre Froide ou la guerre d’Algérie, ou encore la vigilance exercée à l’encontre des clubs sportifs créés par des étrangers[[Voir Claude Boli, Patrick Clastres, Marianne Lassus (dir.), Le sport en France à l’épreuve du racisme, Nouveau Monde Éditions, 2015.]], soulèvent d’autres enjeux encore trop peu étudiés. Enfin, l’analyse de cette action de contrôle du préfet ne peut se limiter aux seules associations sportives agréées par l’État. Par exemple, comment s’effectue aujourd’hui la surveillance des salles, des itinéraires et des lieux publics où s’exercent des pratiques sportives « non encadrées » ?

2/ Préfets, équipements et événements sportifs : entre politiques publiques et ordre public
Le sport sert aussi à assurer une fonction de prestige pour la nation. Les communications peuvent ainsi s’attacher à repérer l’action des préfets dans l’organisation des événements sportifs, qu’ils soient annuels (Tour de France cycliste) ou exceptionnels : Jeux olympiques (Paris 1900 et 1924, Grenoble 1968, Albertville 1992), championnats ou coupes aux échelles européenne ou mondiale. Quel rôle les préfets ont-ils joué dans la construction des infrastructures nécessaires à l’organisation de tels événements ou dans l’édification de nombreuses installations sportives dans le cadre des différents plans d’équipement et des loisprogrammes des années 1960-1970. Peut-on parler de « préfets bâtisseurs » ? Dans cette perspective, quelles furent les relations avec les directions départementales ou régionales de jeunesse et sports, d’abord services extérieurs, puis services déconcentrés, actuellement directions départementales interministérielles, avant de connaitre peut-être de nouvelles restructurations ? Comment interagissent-ils avec les différentes collectivités territoriales ? En outre, les préfets peuvent être « tiraillés » entre des injonctions de politiques publiques (développer les sports de pleine nature ou la nage pour tous) et des principes de sécurité et d’usage du domaine public : comment concilient-ils ces intérêts parfois divergents ?

3/ Le préfet « dans la tribune…ou sur le terrain » ?
Les mémoires que les préfets ont rédigés sur eux-mêmes et les archives orales produites par le Comité pour l’histoire préfectorale constituent des sources précieuses pour construire des « histoires de vies de préfets » et contribuer à une « histoire sportive du politique[[Patrick Clastres (coord.), « Cultures sportives et cultures politiques. Le cas des chefs d’État et de gouvernement dans le monde au XXe siècle », Histoire@politique, n°23, 2014. http://histoirepolitique.fr/index.php?numero=23]]. » Quelles sont les « cultures sportives » affichées ou au contraire « refoulées » par les préfets ? Incarnation de l’État, le préfet peut-il montrer et exposer la version athlétique de son corps ? Peut-on même repérer des « préfets sportifs » ? Les pratiques sportives et les clubs sportifs des personnels de préfecture ont-ils été un outil pour « faire équipe », « faire corps » autour du préfet ? En outre, le sport ne se limite pas seulement au(x) terrain(s) et s’étend au(x) spectacle(s) sportif(s). En ce sens, il peut paraître pertinent de « pointer » les manifestations sportives privilégiées ou négligées par le préfet, y compris les cérémonies de distinctions attribuées aux acteurs du mouvement sportif. La « tribune » est en effet un lieu de sociabilité politique majeur, de contacts avec les élites politiques et économiques locales et peut témoigner, également, des affinités politiques du préfet. En quoi les sports donnent-ils à voir le « préfet en tribune » et offrent-ils l’occasion d’analyser la symbolique du « corps préfectoral » ?

4- Les préfets et les sports… ailleurs
Dans le sillage de l’avancée de la Grande Armée et de la construction de la France des 130 départements, l’institution préfectorale s’étend dès le début du XIXe siècle à de nombreux espaces européens, tels l’Italie et les Pays-Bas. Dans le second XIXe siècle, la préfecture devient un modèle que le Japon de l’ère Meiji importe pour moderniser et centraliser son administration, modèle toujours en vigueur de nos jours[[Éric Seizelet, « La fonction préfectorale au Japon », Revue française d’administration publique. ENA, 2000, p.639-649.]]. La départementalisation de l’Algérie en décembre 1848 et celle des quatre « vieilles colonies » en 1946 ouvre, pour sa part, la voie à l’extension de la fonction préfectorale à des territoires de la « plus grande France[[Edenz Maurice, « Le préfet face aux enseignants autonomistes en Guyane de 1946 au tournant des années 1960. Une inédite rencontre administrative en contexte post-colonial », Politix, n°116-4, 2016, p. 53-79.]] ». Les sports peuvent alors se voir mobilisés au service de l’idéal républicain de l’assimilation ou bien être utilisés comme des instruments de rejet de l’autorité républicaine[[Jacques Dumont, « Sport, culture et assimilation dans les Antilles françaises, des colonies aux départements d’outre-mer », Caribbean Studies, 35-1, 2007, p. 87-106.]].
Enfin, de nombreux États africains issus de la décolonisation des années 1960, à l’image du Cameroun, de la Côte-d’Ivoire et du Sénégal, empruntent la figure du préfet à leur ancienne métropole. Cette diffusion spatiale de longue durée du modèle préfectoral invite à interroger les notions de « transfert » ou d’« hybridation » pour saisir les spécificités des relations entre les préfets et les sports au prisme d’un cadre colonial et post-colonial ou d’une expérience étrangère.

Modalités de transmission des propositions de communication

Date limite d’envoi : 29 mars 2019

Propositions de communication à envoyer conjointement à Marianne Lassus marianne.lassus@gmail.com et Edenz Maurice edenz.maurice@sciencespo.fr

Format : un résumé de 2500 signes, espaces compris, comportant un titre et mentionnant les sources utilisées. Préciser : nom et prénom, institution ou université, poste ou statut actuel et courriel. Inclure un court CV (1 page).

Comité scientifique
Marc-Olivier Baruch, directeur d’études à l’EHESS, président du CHP
Jean-Paul Callède, sociologue au CNRS, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, membre du collège scientifique du CHMJS
Patrick Clastres, professeur à l’université de Lausanne, membre du collège scientifique du CHMJS
Pierre François, inspecteur général de la jeunesse et des sports honoraire, membre du CHMJS
Martine Gustin-Fall, inspectrice générale de la jeunesse et des sports, présidente du CHMJS
Marianne Lassus, agrégée et docteure en histoire, vice-présidente du CHMJS
Olivier Le Noé, professeur des Universités Paris Nanterre
Edenz Maurice, agrégé et docteur en histoire à l’IEP Paris, secrétaire scientifique du CHP
Pierre-André Peyvel, préfet honoraire, secrétaire général du CHP
Gildas Tanguy, maître de conférences à l’IEP de Toulouse, membre du CHP

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