Journée d’études – UFR STAPS de Lyon, vendredi 13 décembre 2024
« L’élève fait du sport avec un ‘‘prof de gym’’ qui dit faire de l’EPS »1. Ces propos formulés en 2005 par Alain Hébrard, Inspecteur général de l’Éducation nationale et Doyen du groupe de l’Éducation physique et sportive, sont repris en 2020 dans le sujet de la première épreuve d’admissibilité de l’agrégation interne d’EPS pour interroger les évolutions de la leçon. La focale, selon le rapport du jury, est placée sur les distorsions entre les leçons prescrites et les leçons réelles, les typologies de leçons selon les générations enseignantes et les périodes considérées, l’évolution de la relation pédagogique et les décalages de représentations ou encore, l’ambiguïté de l’identité de l’EPS2. Mais qu’en est-il des expériences sportives scolaires des élèves ? Comment le sport est-il vécu par les élèves en EPS, selon quelles logiques d’action et quelles spécificités individuelles – sexe, âge, situation de handicap –, collectives – type d’établissement, type d’activité sportive, position géographique –, professionnelles – relatives à l’enseignant·e – ou historiques – relatives aux contextes ? Dans quelle mesure prendre l’élève comme objet d’étude peut-il contribuer à renouveler l’histoire de l’EPS, par l’intermédiaire de quelles traces et avec quelles précautions méthodologiques ?
Partant de ces interrogations, cette proposition de journée d’études souhaite ajouter, au cœur des réflexions historiennes, la question des élèves dans leurs pratiques et vécus en EPS. L’objectif est de se confronter collectivement à un intrigant paradoxe : les élèves, présent·es à chaque période de l’histoire de l’EPS, forment, avec les enseignant·es et les savoirs, l’une des trois pièces maîtresses de la situation pédagogique. Pourtant, leur visibilité académique demeure modeste : omniprésent·es dans les discours et les représentations, les élèves n’apparaissent guère visibles ni audibles dans les travaux historiques et, par conséquent, dans les copies des concours de recrutement des enseignant·es. En effet, si l’historiographie de l’EPS s’est souvent tournée vers une histoire institutionnelle ou rendant la part belle à des acteurs dominants – gouvernements, ministres, inspections, concepteurs, etc. –, notre projet souhaite donner prioritairement la parole aux bénéficiaires de l’EPS à toutes et tous de 1940 à nos jours. Certes, des incises remarquées, ramenant les marges au centre de l’analyse, ont ouvert la voie à une histoire des élèves sensible aux enjeux de démocratisation et d’inclusion, que ce soit par le prisme du genre3 ou celui du handicap4. Il n’en reste pas moins que les élèves demeurent en « arrière-plan » dans l’historiographie de l’EPS, comme c’est plus largement le cas en histoire de l’éducation. Aussi partageons-nous avec Jean-François Condette et Véronique Castagnet-Lars, le paradoxal constat « d’une présence finalement assez faible de l’élève, ou plutôt des élèves, tant les situations sont diverses, dans les études historiennes sur le système éducatif et les réalités scolaires dans leur pluralité, alors qu’il en est logiquement l’acteur central et la cible principale de l’acte éducatif »5.
Face à cette insuffisance historiographique, nous souhaiterions envisager, lors de cette journée d’études, les expériences de l’EPS et du sport scolaire que vivent les élèves de manière authentique, positivement ou négativement, voire parfois même de façon « humiliante »6 . L’attention sera à la fois portée sur les élèves dans leur diversité, de genre par exemple, de position géographique ou de situation de handicap, ainsi que sur les sources mobilisées pour faire émerger une « histoire par le bas », au moyen de corpus originaux. Notre intention est d’identifier, réunir et soumettre à la critique historique les traces laissées par les élèves en EPS, dans ce qu’ils et elles ont de plus personnel. À cette fin pourraient être investiguées, sans exhaustivité, des revendications d’élèves ou d’associations d’élèves, des vidéos, des fonds photographiques, des sources orales, des mémoires d’enseignant·es, des écrits du for privé, des archives d’établissements scolaires ou encore, une variété de sources imprimées : revues de jeunesse, romans, bandes dessinées… Si l’enjeu de cette journée est bien de donner une voix à celles et ceux qui pratiquent l’EPS et qui peuvent être à l’origine de certaines transformations disciplinaires des années 1940 à nos jours, il s’agit également de discuter des apports et limites méthodologiques face auxquels les historiennes et historiens sont exposés afin de construire leur objet à partir de sources plurielles et hétéroclites7. Autrement dit, cette journée entend finalement interroger ces « éclats de vie » dans le quotidien de l’enseignement de l’EPS en s’appuyant sur des sources moins usitées.
Modalités de soumission :
Les propositions de communication sont attendues au plus tard pour le 15 septembre 2024.
Elles sont à envoyer simultanément par mail à loic.szerdahelyi@univ-lyon1.fr et
yacine.tajri@univ-eiffel.fr
Les communications proposées doivent comprendre les éléments suivants :
Un titre ; Un résumé (500 mots) incluant la problématique, la méthodologie et quelques résultats ; Trois à cinq mots-clés.
Échéancier :
Diffusion de l’appel à communications : Début juillet 2024
Fin de l’appel à communications : 1er octobre 2024
Diffusion du programme : Mi-octobre 2024
Date de la journée d’études (UFR STAPS Lyon 1) : 13 décembre 2024
Valorisation scientifique :
Cette journée d’études, labellisée par la Société française d’histoire du sport (SFHS), constituera le premier acte d’une publication scientifique à paraître dans une revue francophone.
Les communications présentées lors de cette journée seront filmées puis mises à disposition sur la chaîne vidéo de l’UFR STAPS de Lyon, sous réserve de l’acceptation des participant·es.
Informations pratiques :
La journée d’études sera organisée à l’UFR STAPS de Lyon, dans l’amphithéâtre Pierre Arnaud.
La participation sera gratuite pour les étudiant·es se préparant aux concours de recrutement du professorat ou de l’agrégation d’EPS ainsi que pour les universitaires non-titulaires (doctorant·es, post-doctorant·es, ATER, sans poste). Une participation pourra être demandée aux universitaires titulaires selon les financements obtenus.
Coordination de la journée d’études :
Loïc Szerdahelyi, L-VIS, Université Claude Bernard Lyon 1
Yacine Tajri, laboratoire ACP, Université Gustave Eiffel
Comité scientifique :
Thomas Bauer, Université de Limoges
Lise Cardin, E3S, INSPE, Université de Strasbourg
Carine Érard, IREDU, Université de Bourgogne
Willy Hugedet, C3S, Université de Franche-Comté
Anne Roger, L-VIS, Université Claude Bernard Lyon 1
Jean Saint-Martin, PSMS, Université de Reims Champagne-Ardenne
- Hébrard, A. (2005). EP.S interroge : Alain Hébrard, Inspecteur générale de l’Éducation nationale, Doyen du groupe EPS. Revue EP.S, 312, 5-10. ↩︎
- Éloi-Roux, V. (2020). Rapport du jury de l’agrégation interne d’éducation physique et sportive. Session 2020. MENJS. ↩︎
- Attali, M. & Saint-Martin, J. (2005). Les oubliées de la démocratisation scolaire de l’éducation physique française (1959-1967). In Saint-Martin, J. & Terret, T. (dir.). Sport et genre. Apprentissage du genre et institutions éducatives (pp. 207-226). Paris : L’Harmattan ; Laffage-Cosnier, S. (2014). Les filles du stade : au-delà des clichés. STAPS, 103, 139-148. ↩︎
- Morales, Y. & Séguillon, D. (2018). De l’institutionnalisation de la discipline à l’inclusion actuelle de tous les élèves en EPS : rupture ou continuité dans la prise en compte des élèves à Besoins éducatifs particuliers ? La nouvelle revue – Éducation et société inclusives, 81, 11-29 ; Tajri, Y., Saint-Martin, J. & Froissart, T. (2022). Construire une EPS inclusive en France : l’évolution laborieuse d’une discipline scolaire s’ouvrant aux élèves handicapés depuis les années 1960. Materiales para la Historia del Deporte, 22, 112-125. ↩︎
- Condette, J.-F. & Castagnet-Lars, V. (dir.) (2020). Histoire des élèves en France. Volume 1 : Parcours scolaires, genre et inégalités (XVIIe-XXe siècles). Villeneuve d’Ascq : PUS. Voir également : Krop, J. & Lembré, S. (dir.). (2020). Histoire des élèves en France. Volume 2 : Ordres, désordres et engagements (XVIe-XXe siècles). Villeneuve d’Ascq : PUS. ↩︎
- Merle, P. (2005). L’élève humilié. L’école, un espace de non-droits ? Paris : PUF. ↩︎
- Castagnet-Lars, V. & Condette, J.-F. (2018). Pour une histoire renouvelée des élèves : placer l’élève au centre des analyses historiennes ? Histoire de l’éducation, 150, 9-34 ; Condette, J.-F. & Castagnet-Lars, V (2019). Écrire l’histoire des élèves : problèmes de sources et de méthodes. Histoire de l’éducation, 151, 9-25. ↩︎